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Alain Delon jeune (aquarelle)

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Les difficultés du portrait

 

Un matin du début janvier 1315, dans une pièce haute de ce château, dallée de grandes pierres blanches, Roberto Oderisi, jeune peintre napolitain de l'école de Giotto contemplait le portrait qu'il venait d'achever. Immobile devant son chevalet, un pinceau mis en mors en travers de la bouche, il ne parvenait pas à s'arracher à l'examen de son tableau où l'huile encore fraîche avait des reflets mouillés. Il se demandait si une touche de jaune plus pâle, ou au contraire de jaune légèrement plus orangé n'aurait pas mieux rendu l'éclat doré des cheveux, si le front était assez clair, si l’œil, ce bel œil bleu un peu rond, avait bien l'expression de la vie. La forme y était, ô oui, bien sûr, la forme !... mais le regard ? A quoi tient le regard ? A un point de blanc sur la prunelle ? A une ombre un peu plus étendue au coin de la paupière ? Comment arriver jamais, avec des couleurs broyées et disposées les unes auprès des autres, à restituer la réalité d'un visage et les étranges variations de lumière sur le contour des formes ! Ce n'était peut-être pas l'œil, après tout, c'était une affaire de proportion entre l’œil et le nez... pas même de proportion... une transparence qui manquait à la narine, ou bien une relation que le peintre n'avait pu établir entre le contour calme des lèvres et l'inclinaison des paupières...

 

Maurice Druon : Les rois maudits, La reine étranglée



01/12/2014
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